vendredi 19 février 2010

RETEX GRIPPE A H1N1 : "un échec ou un non-succès, sur les raisons duquel il convient de s’interroger"

Le site de l’Assemblée nationale vient de mettre en ligne le rapport fait par M. Jean-Luc Préel, député, sur la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1). Ce rapport est suivi par les débats de la commission des affaires sociales, qui ont eu lieu au cours de la séance du 16 février 2010.
Le débat et le vote à l’assemblée validant cette résolution ont été prévus pour le 24 février prochain.
De ce rapport et des débats, ressortent une fois encore :
  • le recours exorbitant au principe de précaution
  • la responsabilité des médias, qui ont entretenu à la fois des attitudes anxiogènes et de défiance
  • les doutes sur la pertinence objective des experts
  • le manque de pilotage de la crise, qui n'a pas permis d'en infléchir le processus.

Je vous mets ci-dessous quelques extraits :

EXTRAITS DU RAPPORT :
«
En France, la mise en œuvre du plan national de prévention et de lutte contre la pandémie grippale a conduit à arrêter un volet « prise en charge », avec l’acquisition d’importants moyens de protection : un milliard de masques chirurgicaux destinés aux malades, plus de 900 millions de masques de protection de type FFP2 pour les personnes particulièrement exposées, notamment les professionnels de santé, et enfin 33 millions de traitements antiviraux
La campagne de vaccination a été officiellement lancée par la ministre de la santé et des sports le 20 octobre dernier
Près de 11 000 lieux de vaccination ont été mis en place sur le territoire afin d’assurer cette vaccination collective.
Le nombre de personnes vaccinées, environ 5,6 millions, est resté cependant relativement modéré, notamment en proportion du nombre de vaccins acquis. Se pose donc aujourd’hui la question de la gestion des stocks de vaccins non utilisés.»

EXTRAITS DU DEBAT
« Mme Marisol Touraine :
pour quelles raisons a-t-il été décidé de proposer la vaccination à l’ensemble de la population et non pas seulement aux populations à risque ?
Les experts qui ont été consultés étaient-ils indépendants ? Dans quelle mesure la transparence a–t-elle été assurée ? Pourquoi les médecins ainsi que la vaccination en milieu professionnel ont-ils été écartés du dispositif ?

M. le rapporteur (Jean-Luc Préel) :
après la déclaration de pandémie, peu de personnes ont été vaccinées, ce qui constitue un vrai problème de santé publique et un échec ou un non-succès, sur les raisons duquel il convient de s’interroger, en vue notamment de préparer un plan plus efficace en cas de nouvelle pandémie.

M. Jean-Pierre Door.
comme d’habitude en France, on discute stratégie alors que la guerre n’est pas terminée.
L’heure n’est pas au ton accusateur, ni à la recherche de boucs émissaires, mais plutôt à la réflexion sur la meilleure réponse face à une pandémie et à un virus imprévisible, dans le cadre du principe de précaution, qui nous oblige probablement à exagérer la menace de manière excessive.
La crise a mis en lumière quelques difficultés au niveau de l’opinion publique comme au niveau sociétal.
Les dysfonctionnements constatés ne concernent pas, à titre principal, les décisions appliquées à partir du plan national. Il s’agit surtout d’une crise de confiance de l’opinion publique et d’un déni de la réalité du risque. Il serait trop facile de pointer du doigt la seule responsabilité des autorités sanitaires.
Les évènements se sont succédés de manière très complexe
Évitons donc de faire le procès de la prudence et de faire grief au pouvoir politique d’en faire trop plutôt que pas assez.
Je pense que tout responsable en charge de la politique nationale de santé aurait réagi de la même façon, en appliquant le principe de précaution et en prenant soin de la protection de la population.

Mme Jacqueline Fraysse
tout le monde sait qu’il est impossible de prévoir l’évolution d’une pandémie ou de connaître la virulence d’un nouveau virus et personne ne saurait être accusée de ne pas savoir lire dans le marc de café
le champ de la commission d’enquête est trop restrictif et omet de poser diverses questions quant au défaut d’instruments de pilotage permettant de faire évoluer les dispositifs mis en place

M. Michel Issindou
Il y a eu trois acteurs dans cette crise : les experts, les médias et les décideurs politiques.
Le principe de précaution n’a-t-il pas rendu les politiques trop frileux vis-à-vis des experts?

POUR CONCLURE :

Le 17 février, Jean-Pierre Door (UMP), député, et Marie-Christine Blandin (Verts), sénatrice, ont présenté à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) un rapport d'étape sur la mutation des virus et la gestion des pandémies (info récupérée sur WK Pharma)

Ils recommandent notamment l'élaboration d'un plan plus souple contre une pandémie grippale « modérée », prévoyant des mesures davantage proportionnées que le plan actuel, « trop rigide et conçu pour une situation extrême ». Il préconise aussi « d’envisager des phases intermédiaires entre les phases 5 et 6 [NdlR : phase d'alerte maximale], permettant des mesures davantage proportionnées et graduées ».Le rapport propose également la mise en place « d’un dialogue avec les professions de santé pour les associer à la définition des mesures du nouveau plan pandémie »

Dès que je l'aurai, je mettrai le lien vers ce rapport.

POUR ALLER PLUS LOIN

RAPPORT "Face à la grippe A(H1N1) et à la mutation des virus, que peuvent faire chercheurs et pouvoirs publics ? " (compte rendu de l’audition publique du 1er décembre 2009)

mes précédents billets sur le RETEX de la grippe A H1N1
RETEX GRIPPE A H1N1 : un "échec à méditer"
RETEX GRIPPE A H1N1 : audition de la ministre et des laboratoires par le Sénat
RETEX GRIPPE A H1N1 : commission d'enquête parlementaire et OMS
commission d’enquête parlementaire sur la grippe A H1N1
RETEX sur la grippe A H1N1 : première contribution de Patrick LAGADEC
Grippe A H1N1 et Principe de précaution
Retour sur la grippe A H1N1 : sur-réaction ou sagesse mal comprise ?

mercredi 17 février 2010

RETEX GRIPPE A H1N1 : Roselyne Bachelot justifie sa politique

Alors que le gouvernement sud-africain craint une épidémie de grippe A durant la Coupe du Monde en juin prochain, et comme je vous l'avez déjà annoncé dans mes précédents billets, Roselyne Bachelot devra expliquer au parlement la gestion gouvernementale de la grippe A.
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Devant cette commission d'enquête parlementaire, comme le révèle l'Express ("Roselyne Bachelot justifie sa politique concernant la grippe A"), la ministre de la santé "exhumera les documents prouvant que les informations étaient, au début de la pandémie, extrêmement alarmistes. Son cabinet a retrouvé un télégramme diplomatique, en provenance de l'ambassadeur de France à Mexico, assurant, à l'apparition du virus, que les chiffres communiqués par les autorités mexicaines étaient inférieurs à la réalité de 1 à 10."
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De son côté, Le Monde avec AFP et Reuters ("Vers une commission d'enquête sur la grippe A") nous confirme que le principe de cette commission d'enquête a été adopté hier à l'assemblée nationale à la demande du Nouveau Centre.
"Le NC veut notamment comprendre :
  • les raisons de la faiblesse du nombre de vaccinations,
  • l'influence des campagnes anti-vaccins
  • et se pencher sur la gestion des vaccins et des stocks de médicaments.

La commission sera définitivement acceptée lors d'un vote des députés mercredi 24.

Une fois l'ultime feu vert donné, la commission d'enquête composée de 30 députés sera alors constituée.
Elle disposera alors de 6 mois pour enquêter "sur la manière dont a été gérée la campagne de vaccination de la grippe A (H1N1) dans le but de faire des propositions au gouvernement pour rendre plus opérationnels, efficaces et réalistes nos futurs plans de vaccination contre les pandémies"."

De son côté, le Sénat Le Sénat a décidé le 11 février de créer une commission d'enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion de la lutte contre la grippe A.
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Il est curieux et peut-être dommage, qu'une seule commission d'enquête commune aux deux chambres ne soit pas mandatée pour orchestrer ce retour d'expérience. Il conviendra désormais d'être attentif aux résultats de ces deux commissions d'enquête parlementaires sur la grippe A H1N1.
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Pour aller plus loin : mes précédents billets sur le RETEX de la grippe A H1N1

mardi 16 février 2010

Réforme territoriale : augmentation du pouvoir des préfets de région

Le décret relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et les départements vient d'être modifié.
La fonction de Préfet a été créé par Bonaparte en 1800 par la loi du 28 pluviôse an VIII.
Cette modification est intéressante à double titre :
  • elle intervient juste avant les élections régionales
  • il conviendra de voir, si les pouvoirs des préfets de zone de défense sont eux aussi augmentés. En effet, chaque zone de défense métropolitaine est dirigée par un préfet de zone de défense, qui est le préfet de région du siège de la zone. Pour la zone de l'Île-de-France, il s'agit du préfet de police. (Les zones de défense ont été créées par décret en 1950. Il s'agissait d'organiser la défense du territoire métropolitain, en regroupant plusieurs régions militaires.
Ce décret est une des premières étapes de la réforme de l’administration territoriale de l’Etat, qui vise notamment à affirmer l’unité de la parole et de l’action de l’Etat autour du préfet.
"Le cadre d’action de l’Etat territorial est régionalisé. Le préfet de région est dorénavant responsable de l’application des politiques nationales et communautaires, sauf exception. A ce titre, il a autorité sur le préfet de département dans la conduite des politiques publiques à travers un pouvoir d’instruction et un éventuel droit d’évocation dans les matières qui justifient une coordination régionale renforcée."

dimanche 14 février 2010

Opération Mushtarak : guerre et "société du risque"

Alors que l’opération Mushtarak (en dari : ensemble, unité) se déroule dans la province d'Helmand en Afghanistan, il me paraît opportun de montrer comment la "société du risque" prend place dans les discours et pratiques militaires.
Le premier phénomène à prendre en compte par les décideurs, c'est que nos opinions, risquophobes, ne supportent plus la matérialisation des risques. Appliqué à la guerre, cela signifie qu'elles ne supportent plus les pertes au combat. Il faut donc les y préparer. C'est ce qu'a fait le ministre de la Défense britannique, comme nous le rapporte la BBC : "The defence secretary has warned of likely UK casualties as thousands of coalition troops prepare to launch a major offensive in Afghanistan."
Le ministre de la Défense, Bob Ainsworth, a ainsi déclaré :
  • que cette opération prendrait place dans un environnement dangereux et qu'elle ne pourrait pas se faire sans risque ("this is not a safe environment", " we cannot entirely make these operations risk-free")
  • qu'il fallait donc se préparer à avoir des pertes ("Of course casualties are something we have to come to expect when we're involved in these operations")
  • qu'il fallait donc s'extirper d'une culture risquophobe mais accepter les risques inhérents à la guerre ("We shouldn't deny or pretend to people that we can provide security and that casualties are not a very real risk on these kind of operations and people have to be prepared for that.")

C'est une évolution fondamentale, un changement culturel majeur, on est loin des théories du zéro risque et zéro mort qui ont conduit à des théories selon lesquelles l'usage de la force militaire pourrait être quasiment "aseptisé".

De son côté, le général James Cowan (qui commande la 11ème Brigade légère, unité majeure de la Task Force Helmand) a déclaré à ses hommes avant l'assaut :

  • que cette opération ne serait pas sans risque : "The next few days will not be without danger. To reduce the risks, you must know your enemy."
  • mais que ces risques devaient être acceptés et assumés, y compris pour réduire les pertes civiles : "Above all else protect the people. Defeat the enemy by avoiding civilian casualties. Hold your fire if there is risk to the innocent, even if this puts you in greater danger."

POUR ALLER PLUS LOIN :

Ainsworth warns of casualties in Operation Moshtarak

Operation Moshtarak begins

vendredi 12 février 2010

Organisation de la gestion de crise en France : un article dans Risk-Assur

Dans le dernier numéro de RiskAssur-hebdo, Sabine Gournay et Laurent Audoin, étudiants du Master 2 Pro Gestion Globale
des Risques et des Crises de l'Université Paris 1 (Panthéon – Sorbonne)
reviennent sur le "Petit Amphi de la Sorbonne" du 5 janvier 2010 et consacré à
"La technologie au service de l’entraînement de la gestion de crise".
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Animé par Chloé Chabanol (Security Advisor de MASA Group) et par Christian Sommade, délégué général au HCFDC cet article nous livre quelques réflexions intéressantes :
"En France, l’environnement actuel se caractérise par une discontinuité, une ignorance vis-à-vis des risques et des menaces et une hyper-complexité.
Dans le domaine de la sécurité nationale, les différents acteurs de la gestion de crise ne s’entraînent pas suffisamment.
De plus, lors de crises majeures, ils doivent se coordonner, sans y être préparés."
Les outils proposés par MASA Group permettent de pallier ce manque d'exercice communs par la simulation, notamment, "la modélisation et la simulation de comportements humains, de doctrines et de procédures."
Les auteurs reconnaissent cependant les bonnes évolutions, qui ont fait suite au dernier Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale, notamment :

"la Cellule Interministérielle de Crise (CIC) a été créée pour coordonner l’ensemble des actions en interministériel « civil », notamment le Centre Opérationnel de Gestion Interministérielle des Crises (COGIC) à l’Intérieur mais aussi les autres centres opérationnels des Ministères civils.
Pour parfaire ce dispositif, le ministère de l’intérieur a créé, conformément aux préconisations du Livre Blanc, la Délégation à la Prospective et à la Stratégie (DPS) et la Direction de la Planification de la Sécurité Nationale (DPSN). Ces deux structures ont pour objectif d’améliorer la gestion des crises par un travail de prospective et de planification."
Pour autant, au niveau local, des progrès restent à accomplir, puisque,

"La protection de la population repose sur des missions de sauvegarde et de secours. La sauvegarde est assurée par l’élaboration des plans communaux de sauvegarde et est sous la responsabilité concrète du maire.
Actuellement, seules 1 500 communes disposent d’un PCS sur 15 000 soumises à obligation sur les 36 000 en France."
POUR ALLER PLUS LOIN :
Le site du magazine Riskassur-hebdo : il faut s'abonner (l'abonnement est gratuit) pour consulter les articles ou les recevoir en pdf.
site de MASA Group
Organisation de gestion de crise du SGDSN : présentation de la CIC et de l’organisation gouvernementale de gestion de crise
La Délégation à la Prospective et à la Stratégie (DPS)
La direction de la planification de sécurité nationale (DPSN)
MES PRECEDENTS BILLETS REPRENANT LES INFOS de RiskAssur-hebdo :
Directeur National des Risques : Quid ?, 16 oct. 2009
"Gouvernance Publique du risque et émergence d'une culture spécifique dans la fonction publique, Riskassur Numéro 84 du 20 juin 2008, pp. 16 à 18 - Notion de sécurité globale, Riskassur Numéro 74 du 11 avril 2008, pp. 08 et 09.

colloque sur les risques urbains, 19 avr. 2009
annoncé dans le dernier numéro de riskassur (n°123 du 17 avril 2009, http://www.riskassur-hebdo.com/ ), le master gestion globale des risques et des crises de l'université paris panthéon sorbonne et la brigade de sapeurs pompiers de ...

mercredi 10 février 2010

La citation du jour

"la quête de l’utopie d’un environnement
totalement sûr et calculable
a paradoxalement engendré
un sentiment d’insécurité radicale"
Dead Cities, Mike Davis

Je viens de découvrir cet auteur grâce à l'excellentissime blog TRANSIT-CITY / URBAN & MOBILE THINK TANK. Dans le billet WAR CITY - COMMENT MIEUX DÉTRUIRE ? , le blog revient sur un chapitre de cet ouvrage de Mike Davis.
Dans ce chapitre intitulé "Berlin's Skeleton in Utah's Closet", Mike Davis révèle la construction en 1943 d’un "village allemand" dans le désert de l’Utah, reconstitution factice des quartiers berlinois. Grâce à ce site d'expérimentation, les militaires et scientifiques alliés ont mis en œuvre des techniques de bombardement incendiaire d’une puissance dévastatrice absolue.
Je reviendrais très prochainement sur ces techniques de bombardements, qui ont occasionné de véritables "tempêtes de feu" dans les villes attaquées.
Pour aller plus loin :
"La ville se meurt", par A. Margier. : résumé du livre Dead Cities

mardi 9 février 2010

fonte des glaces Arctiques : 24 trillions de $ d'ici 2050

La fonte des glaces Arctiques pourrait coûter 24 trillions de $ d'ici 2050 : "la fonte de la glace en Arctique, accélérée par le réchauffement climatique qui a lieu plus rapidement que prévu, pourrait coûter au monde jusqu’à 24 trillions de dollars d’ici 2050,en raison des conséquences que le phénomène pourrait avoir sur l’agriculture, l’immobilier ou les assurances...."
Cet article se base sur un rapport du Pew Environment Group, organisation indépendante à but non lucratif qui siège à Philadelphie et à Washington DC.
En savoir plus :
Le résumé du rapport (en anglais) : Arctic Treasure: Global Assets Melting Away

dimanche 7 février 2010

La peur des risques ou les paradoxes du principe de précaution

Patrick Peretti-Watel met en lumière les paradoxes d'une prévention devenue omniprésente et lance un "plaidoyer pour une démocratisation en profondeur".
Dans une interview publié aujourd'hui par « Sud Ouest Dimanche », Patrick Peretti-Watel, sociologue à l'INSERM, revient sur cette logique de "prévention [qui] envahit nos vies". Cet obnubilisme pour le risque zéro induit des comportements de méfiance et de lassitude de la part d'une population qui ne sait plus où donner de la précaution tant les risques et les les conseils de prudence draconiens sont partout.
EXTRAITS DE CETTE INTERVIEW :
"Le public a souvent l'impression que l'on en fait un peu trop et que les seuils de dangerosité sont fixés de plus en plus bas
lorsque l'on abaisse les seuils, c'est que l'on mesure assez mal la réalité du risque pour de faibles niveaux de consommation ; dans le doute, on préfère appliquer une forme de principe de précaution.
L'abaissement de ces seuils est à la fois technique et politique, mais il est aussi lié à ce que l'on appelle la loi de Ledermann : en incitant tout le monde à réduire sa consommation d'alcool, on espère réussir à diminuer le nombre de personnes qui en abusent.
C'est un des paradoxes de la prévention. Quand on abaisse les seuils, on fait baisser aussi la crédibilité de la prévention. On dit aux femmes enceintes qu'elles ne doivent absolument pas boire de l'alcool, mais tout le monde connaît des femmes qui en ont bu et qui n'ont eu aucun problème.
Au quotidien, nous sommes incapables de penser tous ces risques. Nous avons un rapport complexe au risque.
La gestion des risques industriels a longtemps été confisquée par les experts. Les choses ont évolué. Les riverains, les élus locaux y sont maintenant souvent associés. Dans le domaine des risques pour la santé, cette démocratisation n'a pas encore eu lieu. Nous avons de gros progrès à réaliser pour aller vers une forme de prévention plus délibérative et plus transparente."
Patrick Peretti-Watel vient de publier :
"Présentation de l'éditeur
La santé est devenue notre bien le plus précieux. Les recommandations qui saturent l'espace public viennent nous le rappeler quotidiennement: "fumer tue", "évitez de grignoter entre les repas", "lavez-vous les mains fréquemment", etc. Car, pour faire reculer le plus possible la maladie et la mort, il faut traquer le risque partout où il existe. La prévention des excès alimentaires, du tabagisme, de la consommation d'alcool et de drogues s'efforce d'atteindre cet idéal de sécurité totale. Mais la "mise en risque" du monde ne va pas sans dysfonctionnements. Le culte de la santé disqualifie ceux qui transgressent les conseils des experts. Il enserre les individus dans de nouveaux carcans moraux. Enfin, il est l'allié des industries agroalimentaires et pharmaceutiques, à qui il ouvre des marchés lucratifs. Conçue pour protéger les citoyens, les enfants, les personnes vulnérables, la prévention doit aujourd'hui être réinventée, sous peine de perdre son âme."

IRAN : un pays à hauts risques face aux défis de la sécurité sismique

(La citadelle de Bam après le tremblement de terre, copyright http://www.teheran.ir/)
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La Revue de Téhéran, (« Mensuel iranien consacré à la culture et aux traditions iraniennes en langue française, créé en octobre 2005, à l’heure actuelle le seul magazine iranien en langue française ») consacre son cahier du mois aux risques sismiques en Iran.

C’est l’occasion de découvrir cette revue et de lire les intéressants articles suivants :

Le tremblement de terre de Téhéran aura-t-il lieu ?
« Le tremblement de terre de degré 4 sur l’échelle de Richter survenu à Téhéran le 17 octobre 2009 a prouvé que les failles des alentours de la capitale sont actives et a ravivé les angoisses ses habitants ; ils savent qu’un grand tremblement de terre peut survenir dans leur ville à chaque instant, et que bon nombre des constructions ne résisteront pas aux violentes secousses. »
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Le tremblement de terre de Bam, retour sur un triste bilan
« Le 26 décembre 2003, un tremblement de terre de 6,5 sur l’échelle de Richter rasa entièrement, en l’espace de sept minutes, la ville iranienne de Bam, ôtant la vie à 30 000 personnes. Triste cerise sur le gâteau, cette tragédie fut aggravée par la destruction de la grande citadelle de Bam, vieille de 2700 ans. »
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La sismologie iranienne vue par deux experts français, Entretien avec Jean-Paul Montagner et Denis Hatzfeld
« Au Japon, dès qu’un tremblement de terre est détecté, les compagnies de gaz et d’électricité coupent automatiquement tous les circuits pour éviter les accidents. Le niveau technologique en Iran est beaucoup plus basique et n’en est pas encore au stade où les coupures des fluides sont automatiques.
L’important séisme de Kobé de 1995, qui a occasionné des dégâts considérables, a été un choc psychologique pour les Japonais qui pensaient être à la pointe de la surveillance et de la prévention. Ils se sont alors rendu compte que leur système d’alerte et de secours était en fait extrêmement fragile car mal organisé et mal coordonné. Les approximations de la chaîne de l’information ont fait perdre du temps aux secours. Depuis ils ont tout mis en œuvre pour que la catastrophe de Kobé ne se reproduise pas. »
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La citadelle de Bam demeurera éternelle
« Le 26 décembre 2003, à 5 h 28 du matin, la terre a tremblé avec une violence extrême dans la ville historique de Bam qui se trouve à environ 1000 kilomètres au sud-est de Téhéran. La citadelle de Bam (Arg-e Bam) fut presque complètement détruite par ce séisme »
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Tremblement de terre et littérature
« Le célèbre « Poème sur le désastre de Lisbonne » de Voltaire est à ce titre exemplaire. Le premier novembre 1755, le tremblement de terre de Lisbonne avec ses trente mille morts provoque un choc considérable. Cet événement touche profondément la sensibilité philosophique et humaniste du XVIIIe siècle et Voltaire, en particulier, restera obsédé par cette catastrophe. »
« Si Ghatrân Tabrizi, poète persan de Ve siècle de l’Hégire (Xe siècle), n’avait pas entrepris d’exprimer sous forme de vers émouvants, les détails du tremblement de terre survenu à Tabriz à l’époque, nous n’aurions pas disposé d’informations sur cet évènement qui serait sans doute tombé dans l’oubli. »

samedi 6 février 2010

Education aux spécifictés cuturelles pachtounes pour les commandos britanniques

Dans la continuité de mon billet précédent, RETEX d’une opération d’assistance au développement : l’échec de l’ingénieur américain ROBERTS en Iran en 1953, il est rassurant de constater que les troupes envoyées en Afghanistan disposent de formations spécifiques pour appréhender les complexités de la culture aghane.


Ainsi, sur le site du ministère de la Défense britannique (MoD) on apprend, dans un article intitulé Marines and Gurkhas study Pashto and Afghan cultural mores, que :


  • les Royal Marines du 40ème régiment de commandos bénéficient d'une formation spécifique sur la culture (le pachtounwali, mode de vie traditionnel des Pachtounes) et la langue afghane (le pachto, langue indo-européenne, qui est aussi la langue diplomatique et administrative de l'Afghanistan).
  • ces formations (cultural awareness packages) ont lieu dans leur base de Taunton.
  • chaque formation dure 40 semaines
  • ces formations ont pour objectif d'améliorer la confiance réciproque entre Britanniques et Afghans par une meilleure compréhension des spécificités culturelles et des comportements plus respectueux des différences.
  • un village pachtoune a même été reproduit dans le camp pour apporter le maximum de réalisme à cette formation.

Ce type de formation rappelle celles qui avaient pu être mises en place auparavant et pose la question de l'opportunité d'une école de contre-insurrection spécialement dédiée au théatre afghan.

Rappelon qu'un Centre d’Entraînement à la Guerre Subversive (CEGS) avait été créé en 1958 en Algérie (Philippeville). Il fut commandé par BIGEARD

Pour aller plus loin :

vendredi 5 février 2010

RETEX d’une opération d’assistance au développement : l’échec de l’ingénieur américain ROBERTS en Iran en 1953


Il faut absolument découvrir le blog Gestion des Risques Interculturels, je ne peux que vous recommander de lire son dernier billet : La faillite de Roberts: un cas d’école.

C’est l’occasion d’apprendre ou de redécouvrir :
  • Le « Point IV » : Programme d’aide au développement lancé par le président Truman, lors de son discours d’investiture (2ème mandat), le 20 janvier 1949. Le quatrième point de ce discours concernait le développement des régions sous-développées du monde. Ce discours marque à la fois l’émergence d’une conscience de la pauvreté dans le monde et la revendication d’un devoir moral de prise en charge dans une version moderne de la « mission civilisatrice »
  • L’usage du monde : récit de voyage de Nicolas Bouvier publié en 1963 et racontant son périple en 1953 depuis la Yougoslavie jusqu’à l’Afghanistan.

C’est surtout l’occasion de comprendre ce qui peut faire échouer notre interventionnisme dans d’autres régions du monde. Ces leçons sont à méditer dans le cadre des interventions menées en Irak et Afghanistan...

Je cite ici des extraits du billet rédigé par blog Gestion des Risques Interculturels : La faillite de Roberts: un cas d’école.

« Roberts, un Texan, ingénieur conseil du « Point IV » (organisme américain d’assistance technique) est chargé de la construction d’écoles dans les villages autour de Tabriz. Il arrive avec enthousiasme et idéalisme en Iran pour accomplir cette mission.

Son échec représente d’un côté la naïveté et de l’autre arrogance, dans son désir d’imposer aux autres ses valeurs et son point de vue.
Pourquoi le projet de construction de l’école a-t-il échoué ?
Première raison : ce n’était pas une priorité pour les Iraniens
: la population locale sera peu enthousiaste d’accueillir une école si elle a l’estomac vide, si les maladies sévissent, s’il n’y a pas de justice. Ce soudain afflux de matériaux alors qu’eux-mêmes manquent de tout pour leur propre maison est une tentation à laquelle ils ne résistent pas car la protection de la famille prime sur tout.
Deuxième raison : le civisme n’est pas une valeur commune : le Point IV offre gratuitement les matériaux, plans et conseils. Dans l’idée des Américains, les Iraniens fourniraient la main d’œuvre et l’école serait rapidement sur pied. Or, note Nicolas Bouvier, « voilà un système qui fonctionnerait à merveille dans une commune finnoise ou japonaise ». C’est-à-dire dans un contexte où le civisme est une valeur ancestrale, ce qui n’est pas le cas des Iraniens.
Troisième raison : la notion de cadeau désintéressé est suspecte : le don en matériel est perçu comme un acte de charité par les Américains. Mais ils ne se sont pas posés la question de savoir comme il était perçu par les villageois. Selon leur matrice culturelle, le don suppose une contrepartie. Dans le cas présent, le don est le fait d’étrangers absolus. Il entraîne donc une forte inquiétude chez les villageois. Au lieu de les rassurer, il provoque une immense incertitude : quel est donc le but caché de ces étrangers ?
Quatrième raison : le projet de l’école entre en conflit avec le pouvoir du mollah : jusque-là, le privilège de l’instruction appartenait au mollah local. C’est lui qui sait lire et écrire. Il est très écouté, très respecté, et voit évidemment d’un mauvais œil le projet d’école.

Bonne lecture, bon surf !

mercredi 3 février 2010

notion de « sécurité profonde »

(article publié simultanément sur Alliance géostratégique ).

La lecture de « l’Âge de l’impensable » (1), remarquable ouvrage de Joshua Cooper Ramo - conseiller en géostratégie au sein du cabinet américain Kissinger Associates et ancien éditeur adjoint de Time Magazine - motive mon envie de vous faire partager mes réflexions sur la « sécurité profonde » et de relier les écrits de Cooper Ramo à ceux de Guy Brossollet, qui avait écrit en 1975 un remarquable « Essai sur la Non bataille » (2).

De prime abord, la parenté ne saute pas aux yeux. Mais pour y parvenir, j’ai appliqué un des premiers préceptes que nous livre Cooper Ramo, c’est-à-dire la capacité à faire du mash up, autrement dit du «mixe». Le « mixe » consiste à combiner deux éléments sans lien apparent pour produire du sens. C’est cet esprit mash up – l’anecdote est rapportée par Cooper Ramo – qui a fait dire à Gertrude Stein, alors qu’elle voyait un camion recouvert d’une peinture camouflage, que la première guerre mondiale était une « guerre cubiste ». Au-delà du simple effet visuel dû au camouflage, l’utilisation du terme cubiste signifiait surtout que Gertrude Stein avait compris que son époque était en train de vivre des mutations d’ampleur et que la guerre changeait de paradigme. (cf. (3) Cubisme et camouflage).

La définition de sécurité profonde selon Cooper Ramo

Voyons d’abord le sens que donne Cooper Ramo à cette notion de «sécurité profonde» («deep security», titre de la deuxième partie de son ouvrage)..

C’est, selon lui, une « nouvelle façon de voir, de penser et d’agir qui intègre une complexité croissante et une nouveauté incessante. La meilleure façon de penser la sécurité profonde est d’y voir une sorte de système immunitaire, un instinct capable de réagir au moindre danger et de l’identifier, de s’adapter et de le contrôler. » Rappelons que le système immunitaire est une véritable défense en profondeur, qui possède une variété considérable de populations lymphocytaires, dont chacune peut combattre un antigène particulier..

Pour synthétiser le propos de l’auteur, il s’agit de :

  • penser de manière révolutionnaire et abandonner les idées archaïques ;

  • penser de manière globale (holistically) ;

  • développer les capacités de résilience et d’adaptabilité de nos sociétés ;

  • acquérir l’instinct de l’approche indirecte ;

  • répondre collectivement aux risques de manière décentralisée, volontaire et autonome, les citoyens agissant, chacun à leur niveau «comme des lymphocytes dans notre système immunitaire mondial».

Cette dernière caractéristique est une des données essentielles de la « sécurité profonde ». Il s’agit de diffuser le pouvoir, car « quand on donne du pouvoir aux gens, on est récompensé par leur curiosité, leur investissement et leurs efforts ».

La gestion française de la grippe A H1N1 est le contre exemple. Le pouvoir de vacciner n’a pas été partagé avec les médecins, alors que les citoyens ont été déresponsabilisés par un pouvoir qui prétendait avoir seul la maîtrise de la situation..

Le système immunitaire de la « non bataille ».

En 1975, face aux chars du Pacte de Varsovie, le commandant Guy Brossollet propose un schéma de défense révolutionnaire, qui rompt avec le système du «corps de bataille». Il s’agit d’une organisation défensive décentralisée aux niveaux de petits modules d’une quinzaine d’hommes, répartis en profondeur, afin de créer un maillage permettant de créer un vaste filet élastique au sein duquel l’ennemi viendrait s’engluer. « Au corps de bataille structuré à l’extrême, nous préférerons un système de type modulaire au sein duquel chaque élément aurait une capacité de combat autonome. […] Chaque module recevrait un secteur de combat. Le secteur modulaire pourrait s’étendre à une vingtaine de kilomètres carrés. Dans cette zone – sa zone – le module serait libre de mener le combat à sa guise. » Ces modules étaient surtout équipés d’armement antichars, afin d’infliger le plus de pertes possible à l’ennemi, puis de décrocher pour reprendre l’action à un autre endroit..

non-bataille_brossolet

Trop révolutionnaire pour une époque de certitudes bipolaires, l’audacieux schéma décrit par Brossollet se retrouve une génération plus tard dans les combats menés par le Hezbollah face à Tsahal en 2006..

En conclusion.

Cooper Ramo consacre un chapitre de son livre aux « secrets du management du Hezbollah », exemplaires d’innovation, d’adaptation et de résilience. Comme l’auteur de l’Essai sur la non bataille, ils ont su penser de manière révolutionnaire..

Comme nous y invite Cooper Ramo, « il est crucial d’envisager la grande stratégie comme un système immunitaire »..

Pour faire face aux défis qui nous attendent, l’État seul ne pourra pas tout prévoir et coordonner. La résilience repose donc sur une réponse collective et sur l’implication active de tous les citoyens..

Malheureusement, le peu de civisme et d’esprit de défense des Français semble les tenir à distance de cet objectif. Il faut donc lancer le débat sur ce sujet et le faire vivre..

De son côté, l’armée américaine a déjà compris la richesse des enseignements à tirer du livre de Cooper Ramo. En octobre 2009, le Général Martin Dempsey, commanding general of the U.S. Army Training and Doctrine Command, déclarait:If you haven’t read Joshua Cooper Ramo’s book entitled, The Age of the Unthinkable, I recommend it to you. Near the conclusion of the book, Ramo challenges us to think differently about how we react to uncertainty”.

  1. L’Âge de l’impensable. Comment s’adapter au nouveau désordre mondial. 2010. JC Lattès.
    300 pages. janvier 2010. Code ISBN / EAN : 9782709629386

  2. Essai sur la non-bataille, de Guy Brossollet par www.leconflit.com

  3. L’Histoire par l’image



lundi 1 février 2010

GLOBAL RISK REPORT 2010

A lire sur le blog de PRIMO (Public Risk Management Organization) France : DAVOS2010 : Gouvernance et sous investissement.
Cet article nous apprend la sortie du GLOBAL RISK REPORT.
Ce "rapport 2010 met en évidence deux risques émergents qui sont en adéquation avec nos actions.
Le premier correspond au fondement même de Primo à savoir la gouvernance. Plus que jamais, à la lumière de la crise économique, de la crise environnementale et des crises pandémiques, il est nécessaire de trouver les voies et moyens d’une nouvelle gouvernance en interaction de l’international au local.
Le deuxième concerne le sous investissement en matière d’infrastructures, prises au sens large du terme, qui pourra affecter tout aussi bien les infrastructures de communication que celles ayant trait à l’énergie et donc d’une façon générale le changement climatique. L’environnement a fait l’objet de notre premier atelier séminaire de 2010. Il est probable que ce soit aussi la toile de fond de nos réflexions tout au long de l’année et en particulier lors des troisièmes rencontres nationales du risque public."
Ce rapport analyse 5 types de risques :
  • économique
  • géopolitique
  • environnementaux
  • sociétaux
  • technologiques

Vous pouvez accéder au rapport en anglais en suivant ce lien.