Patrick Peretti-Watel met en lumière les paradoxes d'une prévention devenue omniprésente et lance un "plaidoyer pour une démocratisation en profondeur".
Dans une interview publié aujourd'hui par « Sud Ouest Dimanche », Patrick Peretti-Watel, sociologue à l'INSERM, revient sur cette logique de "prévention [qui] envahit nos vies". Cet obnubilisme pour le risque zéro induit des comportements de méfiance et de lassitude de la part d'une population qui ne sait plus où donner de la précaution tant les risques et les les conseils de prudence draconiens sont partout.
EXTRAITS DE CETTE INTERVIEW :
"Le public a souvent l'impression que l'on en fait un peu trop et que les seuils de dangerosité sont fixés de plus en plus bas
lorsque l'on abaisse les seuils, c'est que l'on mesure assez mal la réalité du risque pour de faibles niveaux de consommation ; dans le doute, on préfère appliquer une forme de principe de précaution.
L'abaissement de ces seuils est à la fois technique et politique, mais il est aussi lié à ce que l'on appelle la loi de Ledermann : en incitant tout le monde à réduire sa consommation d'alcool, on espère réussir à diminuer le nombre de personnes qui en abusent.
C'est un des paradoxes de la prévention. Quand on abaisse les seuils, on fait baisser aussi la crédibilité de la prévention. On dit aux femmes enceintes qu'elles ne doivent absolument pas boire de l'alcool, mais tout le monde connaît des femmes qui en ont bu et qui n'ont eu aucun problème.
Au quotidien, nous sommes incapables de penser tous ces risques. Nous avons un rapport complexe au risque.
La gestion des risques industriels a longtemps été confisquée par les experts. Les choses ont évolué. Les riverains, les élus locaux y sont maintenant souvent associés. Dans le domaine des risques pour la santé, cette démocratisation n'a pas encore eu lieu. Nous avons de gros progrès à réaliser pour aller vers une forme de prévention plus délibérative et plus transparente."
Patrick Peretti-Watel vient de publier :
"Présentation de l'éditeur
La santé est devenue notre bien le plus précieux. Les recommandations qui saturent l'espace public viennent nous le rappeler quotidiennement: "fumer tue", "évitez de grignoter entre les repas", "lavez-vous les mains fréquemment", etc. Car, pour faire reculer le plus possible la maladie et la mort, il faut traquer le risque partout où il existe. La prévention des excès alimentaires, du tabagisme, de la consommation d'alcool et de drogues s'efforce d'atteindre cet idéal de sécurité totale. Mais la "mise en risque" du monde ne va pas sans dysfonctionnements. Le culte de la santé disqualifie ceux qui transgressent les conseils des experts. Il enserre les individus dans de nouveaux carcans moraux. Enfin, il est l'allié des industries agroalimentaires et pharmaceutiques, à qui il ouvre des marchés lucratifs. Conçue pour protéger les citoyens, les enfants, les personnes vulnérables, la prévention doit aujourd'hui être réinventée, sous peine de perdre son âme."
La santé est devenue notre bien le plus précieux. Les recommandations qui saturent l'espace public viennent nous le rappeler quotidiennement: "fumer tue", "évitez de grignoter entre les repas", "lavez-vous les mains fréquemment", etc. Car, pour faire reculer le plus possible la maladie et la mort, il faut traquer le risque partout où il existe. La prévention des excès alimentaires, du tabagisme, de la consommation d'alcool et de drogues s'efforce d'atteindre cet idéal de sécurité totale. Mais la "mise en risque" du monde ne va pas sans dysfonctionnements. Le culte de la santé disqualifie ceux qui transgressent les conseils des experts. Il enserre les individus dans de nouveaux carcans moraux. Enfin, il est l'allié des industries agroalimentaires et pharmaceutiques, à qui il ouvre des marchés lucratifs. Conçue pour protéger les citoyens, les enfants, les personnes vulnérables, la prévention doit aujourd'hui être réinventée, sous peine de perdre son âme."
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