mercredi 31 mars 2010

RETOUR SUR LA GRIPPE A H1N1 : le "diktat" du principe de précaution

"On a mis en place un processus excessif pour ne pas être en défaut".
C'est le "diktat du principe de précaution".
"il n'y a pas une once de bon sens dans les décisions".
Tels sont les mots très critiques employés par le député-maire de Drancy, Jean-Christophe Lagarde (Nouveau Centre) et président de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la grippe H1N1.
Les travaux de cette commission débutent aujourd'hui et devrait durer plusieurs mois. Comme je l'ai déjà relevé, une autre commission se tient au sénat sur le rôle des firmes pharmaceutiques. On peut regretter que les deux chembres n'aient pas uni leurs efforts pour mener ce retour d'expérience.
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Quoiqu'il en soit, et pour avoir le recul qui convient, je ne peux que vous recommander de lire sur lire sur La vie des idées : Le risque et la multitude - Réflexion historique sur l’échec vaccinal de 2009. Je vous en ai déjà parlé dans un post précédent (RETEX GRIPPE A H1N1 : Réflexion historique sur l’échec vaccinal de 2009 ) mais il est frappant de constater qu'au XVIIIème siècle déjà la population refusait de faire confiance aux élites et se comportait face au risque de manière irrationnelle. Ces retours historiques et les études sociologiques devraient permettre de meiux gérer ces événements à l'avenir...
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rappel de mes billets précédents traitant de ces retours d'expérience sur la grippe A H1N1 :

samedi 20 mars 2010

KINDUNOS : un réseau de chercheurs sur l’histoire des dangers environnementaux


Le nom de ce projet rappelle les cindyniques : sciences du danger (du grec kíndunos : danger).
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Kindunos est un réseau de jeunes chercheurs et le nom d’un projet de recherche financé par l’Agence nationale de la Recherche (ANR). Ce projet, franco-canadien, associe Sciences Po, la European Society for Environmental History (ESEH), l’EHESS, Niche (Nouvelle initiative canadienne en histoire de l’environnement), la chaire d’histoire environnementale du Québec, le Ruche (Réseau de recherches en histoire de l’environnement).
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Trois intuitions guident les chercheurs de Kindunos :
1/ La volonté d’inscrire l’histoire environnementale au cœur de la discipline historique et d’importer, au sein de l’histoire environnementale, des travaux n’utilisant pas nécessairement le mot environnement car inscrits dans d’autres contextes intellectuels.
2/ Le retour de l’événement en histoire, par le biais des nouveaux enjeux environnementaux qui mettent au premier plan risques et catastrophes.
3/ La nécessaire convergence entre humanités et sciences de la nature, sans renoncer pour autant à l’idée d’environnements multiples, historiquement situés.

vendredi 19 mars 2010

Le mastère en gestion des risques de l'Ecole Nationale d'Administration (ENA) à l'honneur

Trois étudiants du Mastère en gestion des risques de l'Ecole Nationale d'Administration (ENA) remportent le 1er prix du "Challenge Administration 2020".
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Ces trois étudiants ont remporté le 1er prix qui leur a été remis par M.Woerth le 11 mars 2010, pour leur projet de géolocalisation des services publics sur téléphone portable.
Ce projet vise à développer un outil de localisation des services publics et d'information, disponible en permanence et accessible à tous grâce à un site internet utilisable à partir de postes fixes ou de téléphone mobiles permettant une connexion internet.
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Cette première édition du concours "Challenge Administration 2020" proposait aux étudiants et futurs cadres publics d’« imaginer l’administration de demain ». Plus de 80 équipes de grandes écoles et facultés se sont mobilisées pour proposer des projets innovants de modernisation administrative. Pendant 6 mois, ils ont construit et défendu leurs projets.
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Les autres lauréats sont :
  • 2ème : École des Douanes. Projet : harmoniser la gestion de la formation initiale des agents de l’État en proposant des modules communs entre les écoles de formation et, à terme, des rapprochements.
  • 3ème : Essec/Sciences Po/École des Avocats de Lyon. Projet : créer un espace en ligne unique pour effectuer toutes les démarches scolaires et administratives de l’étudiant.

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EN SAVOIR PLUS :
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mercredi 17 mars 2010

Peurs et catastrophisme : le retour du Moyen-âge ?

Grâce au blog de l'histoire j’ai découvert cet intéressant article de Jacques Le Goff, qui m’était resté inaperçu : « Nous ne sommes plus au Moyen Age » (Le Monde du 13 mars 2010)
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Dans cet article, l’historien s’insurge contre une résurgence des peurs et angoisses qui frappaient le Moyen-âge.
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EXTRAITS :
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« Le Moyen-âge présentait des manifestations d'irrationalisme tout à fait dépassées comme la peur du Diable, la peur de l'Antéchrist, ou la peur de la fin du monde.
Or je crois voir et entendre dans la plupart des médias une renaissance de ces côtés arriérés que je croyais disparus. L'écologie, la peur du réchauffement climatique engendrent des propos producteurs de transes et de cauchemars.
Les peurs qui sont ainsi suscitées d'une façon souvent irrationnelle ont pour conséquence certaine et vérifiée qu'elles frappent encore plus les populations à l'existence difficile et précaire [...]
l'excès dans la malédiction peut aller à l'encontre de son objet [...]
Il m'est souvent arrivé de m'insurger contre les personnes parfois éminentes qui disaient "nous ne sommes plus au Moyen Age". Aujourd'hui, face à ces transes, j'ai envie de dire moi aussi : nous ne sommes plus au Moyen Age. »
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POUR ALLER PLUS LOIN :
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RETEX GRIPPE A H1N1 : Réflexion historique sur l’échec vaccinal de 2009

A lire sur La vie des idées : Le risque et la multitude - Réflexion historique sur l’échec vaccinal de 2009 par Jean-Baptiste Fressoz (historien des sciences, des techniques et de l’environnement, actuellement en postdoc à l’université de Harvard. Sa thèse (EHESS/IUE), intitulée « La fin du monde par la science, innovations, risques et régulations de l’inoculation à la machine à vapeur, 1750-1850 », fera l’objet d’une publication aux éditions Gallimard en 2011).
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EXTRAITS :
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"On critique surtout la communication du gouvernement et son incapacité manifeste à convaincre de la nécessité de se faire vacciner. L’argument de cet article est différent : il consiste à dire que l’échec vaccinal de 2009 est, plus profondément, celui du risque en tant que technologie de conviction et celui de la communication en tant que forme politique.
[...]
Au XVIIIe siècle, la variole était une maladie universelle
Introduite en Angleterre dès les années 1720, l’inoculation demeure presque inconnue en France jusqu’en 1754, année [où] le géomètre et académicien Charles Marie de La Condamine lit à l’Académie des Sciences un mémoire en sa faveur. Le plus révolutionnaire dans ce mémoire réside dans la figure nouvelle créée par La Condamine : celle du géomètre directeur de conscience. Aux scrupules moraux des parents qui hésitent à inoculer leurs enfants, il oppose des théorèmes : « Le père doit-il exposer son fils volontairement ? » La Condamine répond : « Oui, et je le démontre »
Cette démonstration est fondée sur la comparaison des risques : le risque de mourir de la petite vérole naturelle au cours de sa vie est de 1 sur 9, le risque de mourir de l’inoculation est d’environ 1 sur 300. Tout individu raisonnable doit choisir de courir le moindre risque....
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POUR ALLER PLUS LOIN
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mes précédents billets sur le RETEX de la grippe A H1N1
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Lettre d'Information sur les Risques et les Crises

Le dernier numéro de la LIREC (Lettre d'Information sur les Risques et les Crises) vient de paraître.
Cette publication, éditée par l'Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice "s'appuie sur une veille continue des évènements nationaux et internationaux ainsi que sur une analyse constante des méthodologies de la gestion des risques et des politiques de secours. Son ambition est d'apporter aux décideurs publics ainsi qu’aux acteurs opérationnels, un éclairage global et pluridisciplinaire des risques et des crises ainsi que des nouvelles tendances."
Vous pouvez la recevoir gratuitement chaque mois, en remplissant un formulaire en ligne sur le site de l'INHESJ.
Dans ce dernier numéro, vous pourrez notamment lire l'interview de Franck BELLANGER,
fondateur de Transit-City et animateur du blog TRANSIT-CITY / URBAN & MOBILE THINK TANK.
EXTRAIT :

"je m’aperçois qu’aujourd’hui cette idée de la catastrophe irrigue une bonne partie de la réflexion urbaine dans les pays anglo-saxons, comme le montre la très récente publication de « Disrupted Cities - When infrastructure fails » de Stephen Graham, ainsi que l’organisation très régulière dans les grandes universités d’architecture, de séminaires sur ces thématiques de menaces et de catastrophes. En France, on est encore très en retard sur ce sujet, « Pour un catastrophisme éclairé » de l’éminent spécialiste Jean-Pierre DUPUY, professeur de philosophie sociale et politique à l'École polytechnique et à l'Université de Stanford, nous donne pourtant matière à réflexion au sujet de la gestion transversale des catastrophes."
Le sommaire :

Actualité pandémie
• Prévisions 2010-2011
Actualité internationale
• L’écoterrorisme : un modèle terroriste alternatif ?
• Après une catastrophe majeure… le chaos social… ?
• Le rôle des think tank dans la stratégie sécuritaire mondiale
Actualité nationale
• Interview de François Bellanger, fondateur de Transit-City
Actualité européenne
• La stratégie européenne de sécurité intérieure
• Des initiatives de l’OCDE à suivre : réseaux de transports et gestion des risques
Recherche et Innovation
• Séisme d’Haïti : des cartes par satellite pour aider les secours
Agenda
Bonne lecture !

lundi 8 mars 2010

Le rôle de l’historien face à la catastrophe

A lire dans le Magazine de la communication de crise et sensible (publié par l’Observatoire International des Crises® (OIC), www.communication-sensible.com), "Le rôle de l’historien face à la catastrophe, entretien avec François WALTER, historien, recueilli par Thierry Portal (auteur de « Crises et facteur humain : les nouvelles frontières mentales des
crises » – De Boeck Université, novembre 2009).
EXTRAITS :
"Remonter dans le passé peut aider à comprendre les soubassements culturels de l’idée même de catastrophe et son évolution vers l’idée du risque. Cette approche historique permet aussi d’isoler les peurs auxquelles celle-ci renvoie et explique, en grande partie, nos ‘civilisations du risque’ (Expression empruntée à Patrick LAGADEC, La Civilisation du risque : catastrophes technologiques et responsabilité sociale, Paris, Éditions du Seuil, 1981.)
Au XXe siècle, l’angoisse des deux guerres mondiales a éclipsé toutes les autres peurs, les condensant en quelque sorte sur le constat que l’homme lui-même était capable de déclencher l’apocalypse et de s’autodétruire. C’est un seuil dans l’échelle des craintes collectives. Jusqu’alors, les dangers étaient toujours ciblés et circonscrits géographiquement : une catastrophe naturelle touchait une région, une ville ; il était possible de désigner le responsable, au besoin de le stigmatiser dans des catégories désignées comme indésirables (les sorcières, les étrangers, les vagabonds, les juifs considérés comme les vecteurs des épidémies). Désormais, depuis Hiroshima, le danger est diffus et tout peut disparaître dans un cataclysme nucléaire (un holocide). Ce sentiment de peur globale est constitutif de notre époque. Nous sommes une « société du risque » (concepts popularisés par le sociologue allemand U. Beck. Voir Ulrich BECK, La Société du risque : sur la voie d’une autre modernité, trad. de l’allemand, Paris : Aubier, 2001.), que menacent globalement les virus émergents, le terrorisme susceptible de frapper partout, en attendant la catastrophe climatique annoncée, dont tout le monde parle mais dont le ‘management’ dépasse le rayon d’action du simple citoyen."
Pour en savoir plus :

Risques liés aux astéroïdes et disparition des dinosaures

C'est bien un astéroide qui a anéanti les dinosaures
" Les dinosaures ont été effacés de la surface de la Terre il y a 65 millions d'années par un gigantesque astéroïde, puissant comme un milliard de bombes atomiques, ont annoncé une cohorte de scientifiques, espérant clore pour de bon le débat intense sur cette question...."
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Pour en savoir plus :
Mes précédents billets :
Risques liés aux astéroïdes
GERER LES RISQUES D'ASTEROIDES PERCUTANT LA TERRE

D'autres billets de la blogosphère :
Météorite : le ciel qui tombe sur la tête
Une nouvelle menace globale

vendredi 5 mars 2010

Les priorités 2010 pour la prévention des risques liés à la pollution industrielle

Chantal Jouanno a présenté, le 25 février, les priorités d'action pour 2010 de l'Inspection des installations classées dont elle a salué l'action pour l'année 2009.
Toute exploitation industrielle ou agricole risquant de créer ou de provoquer des pollutions ou nuisances sont des "installations classées". Elles font l'objet d'une attention marquée des pouvoirs publics, tant dans l'autorisation d'activité accordée, la réglementation stricte imposée que dans les contrôles dont elles font l'objet. Chaque année, les pouvoirs publics sélectionnent les actions prioritaires que l’Inspection des installations classées est amenée à engager. Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno ont adressé le 13 janvier, une
circulaire aux préfets fixant les priorités d'actions pour l'année 2010.
2010 : la feuille de route
  • Accélérer la démarche de mise en compatibilité des sites industriels avec leur environnement
  • Achever en 2010 la mise aux normes de 750 installations qui ne sont pas encore en conformité avec la directive IPPC (Integrated Pollution Prevention and Control).
  • Le contrôle des canalisations de transport
  • Identifier les sites accueillant les enfants et les adolescents ...

mercredi 3 mars 2010

Pouvoirs des préfets de zone de défense et de sécurité

J'y faisais allusion dans mon billet du mardi 16 février 2010 (Réforme territoriale : augmentation du pouvoir des préfets de région)
et c'est désormais fait : les pouvoirs des préfets de zone de défense et de sécurité vont être augmentés.
Le décret a été présenté au conseil des ministres d'aujourd'hui :
Ce décret intervient dans le cadre de la réforme de l’administration territoriale de l’Etat.
Il permet de :

  • renforcer le rôle du ministère de l'intérieur en matière de coordination interministérielle
  • améliorer la préparation et la gestion des crises majeures sur le territoire national en redéfinissant le rôle des préfets de zone.
"Le ministre de l’intérieur a présenté un décret relatif aux pouvoirs des préfets de zone de défense et de sécurité.
La loi du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 confère au ministre de l’intérieur des compétences élargies en matière de coordination interministérielle et de mobilisation des services territoriaux de l’Etat s’agissant de la préparation des pouvoirs publics à la gestion des crises majeures sur le territoire national et de la conduite opérationnelle de la réponse à ces crises. Elle conduit à redéfinir le rôle des préfets de zone de défense et de sécurité.
Le renforcement des pouvoirs et des moyens des 7 préfets de zone de métropole et des 5 préfets de zone d’outre-mer répond à la nécessité de disposer des capacités de planification et de gestion de crise qui permettent d’apporter des réponses globales aux risques et menaces auxquels notre territoire pourrait avoir à faire face.
Le décret renforce ainsi la capacité des préfets de zone de défense et de sécurité à coordonner l’action des préfets de département et mettre en cohérence l’activité des administrations déconcentrés de l’Etat, des collectivités territoriales et des opérateurs publics et privés dans les domaines touchant à la défense et la sécurité."

Rappel :
La France est sectorialisée en sept zones de défense (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Paris et Rennes) qui ont été instaurées en France par l’ordonnance du 7 janvier 1959. Elles ont vu leur rôle renforcé par les décrets du 21 juin 2000, du 16 janvier 2002, du 30 juin 2002 et du 29 avril 2004 et bien sûr, par ce dernier décret.
Pour aller plus loin :

mardi 2 mars 2010

Pourquoi je ne crois pas à la guerre low cost

Publié sur AGS, le 21 février 2010 :

En tant que gestionnaire des risques, je ne pouvais pas laisser passer ce débat sans y apporter la vision issue du monde de la gestion des risques.
Le constat est sans appel, et le blog Pour Convaincre, s’appuyant sur le rapport du SIPRI l’a bien rappelé : la guerre coûte de plus en plus cher. Dans le Que sais-je ? consacré à « La guerre », Gasthon Bouthoul constatait : « si l’on se place du point de vue économique, la guerre se présente comme une sorte d’activité de luxe ».
Dans « Une guerre à 3000 milliards de dollars », Joseph E. Stiglitz stigmatise la guerre d’Irak, qui devrait peser sur le budget des États-Unis pendant cinquante ans. Pour faire face à des coûts qui deviennent exorbitants, il faudrait donc recourir à une pratique de la guerre low cost. Ainsi, en Irak, et pour la première fois dans l’histoire des opérations militaires américaines, les forces issues de sociétés militaires privées (SMP) sont plus nombreuses que les forces conventionnelles.
Cependant, même si les économies sont nécessaires, notre société post-moderne ne saurait accepter que l’on brade la sécurité de ses combattants.
Définition
L’expression anglo-saxonne low cost désigne un modèle économique inventé pendant les années 60 dans le domaine de l’aviation. Le principe : réduire les coûts, pour vendre moins cher, et plus. Près de 50 ans plus tard, le low cost est partout. Si ce modèle est parvenu à réduire significativement les coûts, il n’est pourtant pas exempt de reproches.
Certes, le low-cost originel peut représenter un modèle solide.
Il faut commencer par reconnaître que le low cost pratiqué par les compagnies aériennes européennes, ne remet pas en cause la sécurité. Dans leur rapport intitulé « le « low cost » : un levier pour le pouvoir d’achat », Charles BEIGBEDER (Président de Poweo) notait en 2007 : « Une question récurrente sur les low cost concerne la sécurité en vol. Est-il moins sûr de prendre un avion «low cost ? […] Il nous semble important de souligner que les méthodes auxquelles le low cost a recours pour bénéficier d’économies de coûts ne touchent pas à la sécurité des passagers ».
Pour autant, l’idéologie low cost brade la sécurité
En effet, dans la chasse aux économies, le concept low cost a vite mué en un dangereux avatar. Les journalistes Bruno Fay et Stéphane Reynaud ont qualifié de low cost 2.0 dans un ouvrage au titre explicite « No Low Cost » paru en novembre 2009. Pour les sceptiques, je conseille la visite du blog No Low Cost consacré à la mise en perspective de leurs théories.
Ce concept de low cost 2.0, qui leur permet de caractériser les dérives du modèle low cost originel, ne serait ni économiquement viable, ni socialement acceptable, ni écologiquement soutenable et « se traduit le plus souvent par une logique folle de réduction des coûts au détriment de la qualité des produits, des conditions de travail des salariés, des emplois, de la santé et de la sécurité des consommateurs. »

Ainsi, plus que le low cost, il faudrait en revenir à la « loganisation » de la guerre
L’expression de « loganisation » a été employée par le général Vincent Desportes dans un article intitulé Combats de demain : le futur est-il prévisible ? (d’abord paru dans Politique étrangère, /3 puis par la revue Doctrine n° 11, en mars 2007).
Constatant que « l’accroissement du coût des armements terrestres suit la courbe des coûts des équipements aériens » et que « les coûts exorbitants de la guerre moderne la rendent, sur une grande échelle, de moins en moins efficiente » le général Desportes plaide pour « mettre en œuvre de manière particulièrement volontariste l’idée de juste suffisance technologique ».
Il faut donc, selon lui, « adopter résolument ce que l’on pourrait appeler “l’esprit Logan” qui vise à fournir l’essentiel, juste l’essentiel, pour un coût maîtrisé et contenu » et « retrouver aussi “l’esprit garage”. »
A mon sens, cette plutôt cette voie de la loganisation et d’une technologie raisonnable rompant avec les dérives de la RMA (Revolution in Military Affairs) qui permettra de sortir de l’impasse budgétaire qui se profile.

Le low cost existe pourtant, il concerne les pertes humaines.
Il se manifeste dans le concept de low casualty cost. Il s’agit en effet d’éviter au maximum le coût induit par les pertes humaines, afin de ne pas perdre le soutien des opinions publiques. Pour autant, ce concept de coût humain réduit est également une dérive dangereuse, puisqu’il entraîne les chefs de guerre à poser en permanence des limites à leur action.
Ainsi, commentant l’opération Mushtarak, le colonel Michel Goya, chercheur à l’Institut de Recherches Stratégiques de l’Ecole Militaire (IRSEM) constatait que « si les troupes ne mettaient pas autant de soin à éviter des dommages collatéraux, l’affaire serait réglée en quelques jours. (…) Quoi que l’on fasse, le risque zéro n’existe pas dans une guerre qui se déroule au milieu de la population, utilisée comme bouclier par les insurgés. (« Comment éviter les “bavures” en Afghanistan ? », La Croix).

La belle utopie des guerres low-cost
La tendance à l’augmentation exponentielle des coûts oblige à faire des choix : intervenir en Afghanistan oblige à se désengager d’Irak. Se concentrer sur ces deux pays empêche de prévenir le retour des instabilités ailleurs (Somalie, Yémen, etc).
Si les guerres low cost étaient réalisables, elles auraient certainement l’effet préventif qui manque aujourd’hui aux guerres high cost, qui ne peuvent se consacrer qu’à un nombre restreint de territoires.
La culture sécuritaire et risquophobe qui prévaut aujourd’hui en Occident rend l’option low cost warfare improbable. Le poids exorbitant du refus des pertes humaines (casualty risk aversion) ne saurait accepter de transiger avec la sécurité des troupes engagées.
COMMENTAIRES
sur AGS :

SD // fév 22, 2010 at 16 h 03 min
Bonjour,“La tendance à l’augmentation exponentielle des coûts oblige à faire des choix : intervenir en Afghanistan oblige à se désengager d’Irak. Se concentrer sur ces deux pays empêche de prévenir le retour des instabilités ailleurs (Somalie, Yémen, etc).”Justement le Low cost existe aussi en Occident (les autres sont réputés ne pas avoir de moyens ce qui est faux) !Les opérations de prévention (renseignement, action, pré-positionnement de forces, formation d’armées régulières, etc.) existent et sont pratiquées tous les jours ; elles coutent moins cher que les opérations de guerre ou de stabilisation…
Au Yémen et en Somalie, Al-Qaida est “maitrisé” ou plutôt circonscrit pour quelques centaines de millions de dollars à comparer avec les dizaines de milliards de dollars annuellement dépensés en Afghanistan par les Etats-Unis. Low cost = Low media. En effet, éviter une catastrophe dans l’ombre est moins vendeur que de réagir à une catastrophe ou un attentat…
Electrosphère // fév 23, 2010 at 2 h 39 min
@ PM,
Une argumentation choc et très pertinente.
Néanmoins, par “guerre low cost“, n’entend-on pas un modèle de guerre effectivement beaucoup moins onéreux que celui envisagé pendant la guerre froide et pratiqué contre l’Irak et la Serbie ? Que fait-on de “la crise du modèle occidental de la guerre” précisément mentionnée par le Colonel Goya ?
L’usage croissant des drones et le recours moindre à l’aviation sur le théâtre afghan (comparativement aux guerres d’Irak + des Balkans) ne relève-t-il pas d’un véritable low cost voire “smart cost” (c-à-d une forme de “loganisation”) sur les plans économique, technologique et opérationnel ?
Au XXIème siècle, mener une guerre sans tenir compte des dégâts collatéraux - quand on est un état démocratique - relèverait, aux yeux de l’opinion et sur les scènes internationale et locale, d’une véritable boucherie surtout quand on pense aux moyens militaires (surtout aériens) à la disposition de l’OTAN. En plus clair : la barbarie.
Remplaçons ces populations afghanes par des populations européennes ou américaines, et aussitôt la moindre perspective d’un dégât collatéral ferait frémir tout le monde à commencer par les gouvernements et les états-majors…
Dès lors, l’OTAN peut-il se permettre d’agir à l’image d’Al-Qaïda qui se fiche éperdumment des pertes collatérales ? Quid de la cuisante défaite consécutive sur les terrains médiatique, psychologique et politique ? Quelle solution dans ce cas de figure : taper encore plus fort ? Où ? Comment ? Pourquoi ?
Enfin, en ce qui concerne la risquophobie - un tantinet plus prégnante en Europe qu’en Amérique - elle tient en quelques mots : vieillissement démographique et donc culture du repli, légereté et surtout incohérence d’une vision stratégique… ou des visions stratégiques (dans le cas européen notamment); le tout nappé de judiciarisation et de principe de précaution tous azimuts sous diverses formes.
N’ayons aucune illusion : c’est parti pour durer.
Cordialement
Frédéric // fév 28, 2010 at 19 h 57 min
Je suis d’accord avec SD
”Vaut mieux prévenir que guérir”.
D’où la priorité accrue aux renseignements accordé dans le budget US.
Virgini A (2 mars, 13H23)
très bien expliqué, soit le concept de suffisance qui est ici démontré sur le plan de l'équilibre entre la nécessaire technologie coûteuse et la nécessaire limite préventive de la technologie low cost.