Dans mon billet du mercredi 13 janvier 2010 Notre société face aux risques : "fragilité et angoisse du chaos" je vous avais promis de "modérer les points de vue d'experts par une publication récente qui rejette le climat d'angoisse et d'insécurité sur les discours alarmistes de ces mêmes experts".
En effet, la fondation Copernic (groupe de réflexion altermondialiste et anti libéral) a publié le 8 janvier 2010 un article intitulé : "Gestion de risques et légitimité des élites - À propos de l’institutionnalisation de la gestion de risques dans les écoles du pouvoir".
Dans cet article, l'auteur, Michel Daccache, prenant acte de l'imposition de la notion de risque comme référentiel majeur de nos manières de penser le monde, démontre que la gestion des risques est désormais devenue un enjeu de domination pour les élites.
Alors que les sphères privées ont recours au risk management et accordent au risk manager une place de choix dans la hiérarchie de l'entreprise ("position de pouvoir proche de la direction générale"), les élites administratives et leurs écoles de formation ne pouvaient donc pas rester en retrait. Les formations de gestion du risque ont donc fleuri dans les grandes écoles : "Polytechnique, les Mines, l’ENA, les Arts et métiers, Sciences Po, HEC..."
Cet "intérêt porté à la gestion de risques s’explique largement par la volonté d’attirer les investisseurs privés et par celle de « placer » les diplômés aux meilleurs postes. Ceci est notamment rendu visible par la création, un peu partout, de chaires de gestion de risques, celles-ci étant systématiquement orientées vers la recherche de partenariats avec le privé."
D'une pratique professionnelle issue du monde privé, la gestion du risque est donc devenu, in fine, un discours dominant irriguant la manière de penser et de gouverner de nos élites.
Au-delà du propos parfois caricatural (notamment la critique excessivement sévère de Patrick Lagadec), ce texte a néanmoins le mérite de souligner que :
- la société du risque, c'est-à-dire la manière de penser le monde qui nous entoure à travers la notion de risque, est devenu un paradigme sociétal incontournable
- elle induit des changements profonds dans la manière dont les élites raisonnent et gouvernent
Voici mes commentaires supplémentaires :
- l'inscription du principe de précaution dans la constitution et la gestion de la grippe A H1N1 sont des exemples emblématiques de cette évolution sociétale
- il importe désormais d'étudier ces changements sociétaux et de se prononcer sur leur pertinence
- il convient, ainsi, à mon sens, de retrouver une culture positive du risque pour échapper à la tyrannie de la précaution
- mais la bonne attitude du gestionnaire de risques n'est pas d'être risquophile ou risquophobe. Elle consiste à adapter son comportement aux circonstances et surtout à responsabiliser les citoyens en les éduquant sur les risques sans produire un sentiment de panique excessif.
- il est donc bon que les grandes écoles et nos élites s'intéressent à la notion de risque. Mais il ne faut pas que ce savoir demeure élitiste et imposé à la population. Nos élites doivent aussi apprendre comment communiquer aux citoyens la culture du risque, afin que les décisions prises soient comprises et reçoivent l'adhésion.
Tout un programme !
Pour aller plus loin :
Ils ont organisé la psychose : le président de la commission santé du Conseil de l’Europe, l’allemand Wolfgang Wodarg accuse les lobbys pharmaceutiques et les gouvernants... (L'Humanité, janvier 2010).
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