Les HRO : une approche « construite » de la sécurité
L'acronyme HRO désigne les High Reliability Organizations, il est traduit en français par HFO pour haute fiabilité organisationnelle. Il s'agit d'une discipline qui aborde la sécurité sous l'angle de la fiabilité organisationnelle.
Pour mieux appréhender les HRO et avant de vous en proposer mon analyse dans un prochain billet, je vous propose, à travers la lecture de deux extraits, de vous intéresser à cette discipline de gestion des risques née il y a 20 ans aux Etats-Unis.
"Suite à l’accident de Three Mile Island, les travaux de Rubinstein (1979, cité par Vicente, 1999) montrent qu’on ne peut aborder la sécurité sous le seul angle des opérateurs de première ligne, mais qu’il faut élargir le spectre d’analyse au fonctionnement organisationnel du système socio-technique.
Si les premiers travaux ont cherché à comprendre pourquoi les systèmes complexes étaient générateurs d’accidents (théorie de l’accident normal de Perrow, 1984 ; modèle de la sécurité emboitée, Reason, 1997), un courant de recherche regroupé sur le nom HRO « Hight Reliability Organizations » a pris un paradigme d’étude opposé qui est celui de comprendre comment certaines organisations sont arrivés à être ultra-sûres.
Il ressort de ces travaux que la sécurité est une propriété qui émerge des relations, rites et mythes existant au niveau de l’individu et du groupe, mais plus encore au niveau de l’organisation tout entière (Rochlin, 2001).
La sécurité est construite par l’organisation de façon à répondre aux demandes de l’environnement. Les organisations à haute fiabilité sont le fruit d’une bonne adaptation entre les demandes extérieures et la structuration des unités de l’organisation. Cela a pour conséquence qu’il n’existe pas une seule manière d’organiser la sécurité mais que plusieurs manières peuvent exister. La vision d’une sécurité construite, contingente de l’environnement et adaptative aux situations explique que la sécurité est un équilibre circonstanciel entre les hommes, l’organisation, les outils et les situations. Il est important de comprendre comment les acteurs négocient leur participation à l’organisation. C’est dans cet équilibre qui s’est construit avec l’expérience que repose la pérennité de la sécurité. La modification de cet équilibre suite à des changements organisationnels ou à des évolutions technologiques comme l’est l’automatisation de certaines tâches est une source de fragilisation de la sécurité (Gras, 1993), jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit construit. Bourrier (1999) souligne qu’il est actuellement impossible de proposer une liste de signaux avant-coureurs d’un manque de fiabilité organisationnelle. On décrit par contre un certain nombre de caractéristiques des organisations qui participent à la construction de la sécurité. Ces caractéristiques dépassent les attitudes individuelles et les modèles collectifs de cognition pour s’étendre aux structures et ressources administratives qui rendent possible le développement d’une intelligence organisationnelle, et surtout d’un esprit d’inventivité en terme de sécurité. Elles doivent faire partie d’un processus d’apprentissage en action qui ne s’achève jamais (Turner & Pidgeon, 1997). Le projet HRO décrit les caractéristiques suivantes :
redondance des canaux de décision,
redondance du contrôle entre les acteurs,
accord sur les buts au sein de l’organisation,
centralisation et décentralisation des décisions lorsque les circonstances l’exigent,
entraînement et recyclage permanent.
Ces caractéristiques ne constituent pas un modèle organisationnel, mais un ensemble d’outils dont dispose l’organisation pour faire face aux défis sécuritaires."
EXTRAITS de l'aricle de Bruno Tiberghien "LES TERRITOIRES À DANGEROSITÉ INHÉRENTE" :
"Sans revenir dans le détail sur l’ensemble de ce qui constitue ce corpus théorique, nous pouvons rapidement rappeler que les travaux de Weick et Sutcliffe (2001) sur les organisations nécessitant une grande fiabilité (OHF) mettent en avant 5 processus clés permettant de maintenir, au quotidien, un management de l’inattendu :
l’attention portée aux échecs plutôt qu’aux succès;
la méfiance envers la simplification des interprétations;
la sensibilisation aux opérations (et leur caractère délicat);
l’obligation de résilience;
la déférence envers l’expertise, pour garantir la fluidité du système de prise de décision.
La combinaison de ces cinq processus permet de produire un état de « vigilance collective » (mindfulness), une sorte d’état d’alerte permanent, grâce à la qualité des interactions au sein de l’organisation. Être attentif consiste ici à développer une conscience aiguë des détails discriminatoires ainsi qu’une capacité accrue à découvrir et à corriger les erreurs qui pourraient se transformer en crise. "
POUR EN SAVOIR PLUS :
L’évaluation de la sécurité lors de la validation de nouveaux concepts dans les systèmes complexes et ultra-sûrs : l’exemple du contrôle du trafic aérien
LES TERRITOIRES À DANGEROSITÉ INHÉRENTE : UN DOMAINE D’EXTENSION DES THÉORIES SUR LA FIABILITÉ ORGANISATIONNELLE?
Par Bruno Tiberghien
FIABILITÉ ORGANISATIONNELLE ET MAÎTRISE DE LA TENSION ENTRE CONTRÔLE ET ÉCOUTE DANS LA GESTION DES FEUX DE FORÊT : APPROCHE COMPARÉE FRANCE/ÉTATS-UNIS
Le projet HRO sous les feux des médias
High Reliability Organizing : site américain consacré à la HRO
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