dimanche 28 novembre 2010

HRO : High Reliability Organizations : haute fiabilité organisationnelle

Les HRO : une approche « construite » de la sécurité

L'acronyme HRO désigne les High Reliability Organizations, il est traduit en français par HFO pour haute fiabilité organisationnelle. Il s'agit d'une discipline qui aborde la sécurité sous l'angle de la fiabilité organisationnelle.
Pour mieux appréhender les HRO et avant de vous en proposer mon analyse dans un prochain billet, je vous propose, à travers la lecture de deux extraits, de vous intéresser à cette discipline de gestion des risques née il y a 20 ans aux Etats-Unis.
"Suite à l’accident de Three Mile Island, les travaux de Rubinstein (1979, cité par Vicente, 1999) montrent qu’on ne peut aborder la sécurité sous le seul angle des opérateurs de première ligne, mais qu’il faut élargir le spectre d’analyse au fonctionnement organisationnel du système socio-technique.
Si les premiers travaux ont cherché à comprendre pourquoi les systèmes complexes étaient générateurs d’accidents (théorie de l’accident normal de Perrow, 1984 ; modèle de la sécurité emboitée, Reason, 1997), un courant de recherche regroupé sur le nom HRO « Hight Reliability Organizations » a pris un paradigme d’étude opposé qui est celui de comprendre comment certaines organisations sont arrivés à être ultra-sûres.
Il ressort de ces travaux que la sécurité est une propriété qui émerge des relations, rites et mythes existant au niveau de l’individu et du groupe, mais plus encore au niveau de l’organisation tout entière (Rochlin, 2001).
La sécurité est construite par l’organisation de façon à répondre aux demandes de l’environnement. Les organisations à haute fiabilité sont le fruit d’une bonne adaptation entre les demandes extérieures et la structuration des unités de l’organisation. Cela a pour conséquence qu’il n’existe pas une seule manière d’organiser la sécurité mais que plusieurs manières peuvent exister. La vision d’une sécurité construite, contingente de l’environnement et adaptative aux situations explique que la sécurité est un équilibre circonstanciel entre les hommes, l’organisation, les outils et les situations. Il est important de comprendre comment les acteurs négocient leur participation à l’organisation. C’est dans cet équilibre qui s’est construit avec l’expérience que repose la pérennité de la sécurité. La modification de cet équilibre suite à des changements organisationnels ou à des évolutions technologiques comme l’est l’automatisation de certaines tâches est une source de fragilisation de la sécurité (Gras, 1993), jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit construit. Bourrier (1999) souligne qu’il est actuellement impossible de proposer une liste de signaux avant-coureurs d’un manque de fiabilité organisationnelle. On décrit par contre un certain nombre de caractéristiques des organisations qui participent à la construction de la sécurité. Ces caractéristiques dépassent les attitudes individuelles et les modèles collectifs de cognition pour s’étendre aux structures et ressources administratives qui rendent possible le développement d’une intelligence organisationnelle, et surtout d’un esprit d’inventivité en terme de sécurité. Elles doivent faire partie d’un processus d’apprentissage en action qui ne s’achève jamais (Turner & Pidgeon, 1997). Le projet HRO décrit les caractéristiques suivantes :
  • redondance des canaux de décision,
  • redondance du contrôle entre les acteurs,
  • accord sur les buts au sein de l’organisation,
  • centralisation et décentralisation des décisions lorsque les circonstances l’exigent,
  • entraînement et recyclage permanent.

Ces caractéristiques ne constituent pas un modèle organisationnel, mais un ensemble d’outils dont dispose l’organisation pour faire face aux défis sécuritaires."

EXTRAITS de l'aricle de Bruno Tiberghien "LES TERRITOIRES À DANGEROSITÉ INHÉRENTE" :

"Sans revenir dans le détail sur l’ensemble de ce qui constitue ce corpus théorique, nous pouvons rapidement rappeler que les travaux de Weick et Sutcliffe (2001) sur les organisations nécessitant une grande fiabilité (OHF) mettent en avant 5 processus clés permettant de maintenir, au quotidien, un management de l’inattendu :

  • l’attention portée aux échecs plutôt qu’aux succès;
  • la méfiance envers la simplification des interprétations;
  • la sensibilisation aux opérations (et leur caractère délicat);
  • l’obligation de résilience;
  • la déférence envers l’expertise, pour garantir la fluidité du système de prise de décision.

La combinaison de ces cinq processus permet de produire un état de « vigilance collective » (mindfulness), une sorte d’état d’alerte permanent, grâce à la qualité des interactions au sein de l’organisation. Être attentif consiste ici à développer une conscience aiguë des détails discriminatoires ainsi qu’une capacité accrue à découvrir et à corriger les erreurs qui pourraient se transformer en crise. "

POUR EN SAVOIR PLUS :

L’évaluation de la sécurité lors de la validation de nouveaux concepts dans les systèmes complexes et ultra-sûrs : l’exemple du contrôle du trafic aérien

LES TERRITOIRES À DANGEROSITÉ INHÉRENTE : UN DOMAINE D’EXTENSION DES THÉORIES SUR LA FIABILITÉ ORGANISATIONNELLE?
Par Bruno Tiberghien

FIABILITÉ ORGANISATIONNELLE ET MAÎTRISE DE LA TENSION ENTRE CONTRÔLE ET ÉCOUTE DANS LA GESTION DES FEUX DE FORÊT : APPROCHE COMPARÉE FRANCE/ÉTATS-UNIS

Le projet HRO sous les feux des médias

High Reliability Organizing : site américain consacré à la HRO

samedi 20 novembre 2010

Comment développer la culture et la réponse des citoyens aux risques?




Lundi 13 Décembre 2010 Centre de conférences Edouard VII, Opéra - Paris IX
En partenariat avec la Direction de la Sécurité Civile, le Ministère de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration
Ce colloque a pour ambition :
  • identifier les diverses approches de la culture du risque en France
  • identifier les moyens pour développer et diffuser cette culture du risque
  • s’interroger sur la manière d’entretenir et de nourrir cette culture au sein des populations.
Dans une société se faisant régulièrement l'écho d'événements rappelant la vulnérabilité des hommes dans les interactions qu'ils entretiennent avec leur milieu, le besoin d'une connaissance approfondie de leur environnement se manifestant notamment par l'acquisition d’une conscience et d’une culture du risque communes se fait de plus en plus sentir. En effet, toute personne par son comportement concourt à la sécurité civile. Cette participation repose sur l’expression concrète de certaines valeurs communes : l’acquisition de la connaissance des risques encourus dans notre environnement proche ou éloigné et l’apprentissage des gestes de premier secours et l’application des consignes de sécurité.Or, la récurrence d’événements mettant en péril de plus en plus de vies humaines, doublée de l’incompréhension des sinistrés face à l’ampleur d’un événement majeur, interroge sur la capacité des individus à se sentir concernés par les risques au point de mettre en pratique de manière naturelle et autonome les comportements adaptés de prévention et de protection.
En France, les récentes catastrophes naturelles telles que la tempête Xynthia qui a frappé le littoral atlantique ou encore les fortes intempéries qui se sont abattues dans le Var ont parfois mis en avant la difficulté de gérer des crises dans l’urgence en l’absence d’une culture du risque solidement ancrée au sein de la population française. Il devient donc primordial de mobiliser les efforts de communication, d’information et d’apprentissage des gestes justes notamment vers les plus jeunes. Concernant les risques majeurs (naturels et technologiques) les pouvoirs publics et leurs relais s’attachent à réaliser des supports d’information pour favoriser la diffusion de la culture des risques. A titre d’exemple, des sites internet spécifiques conçus par les pouvoirs publics et des associations fortement investies dans la propagation de cette culture appellent le citoyen à s’emparer de cette connaissance pour qu’il devienne un membre éminemment incontournable de la Sécurité civile. Ainsi, le prix d'une satisfaction par les pouvoirs publics de tous les besoins exprimés par les populations étant exorbitant pour la collectivité, chacun doit prendre conscience qu’il peut concourir au bien être de tous, devenir le propre acteur de sa sécurité et, par ce biais de la sécurité collective.
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Pour aller plus loin :
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Mes billets sur la culture de préparation citoyenne face aux risques :

lundi 15 novembre 2010

Guerre et paix au XXIe siècle, comprendre le monde de demain

Guerre et paix au XXIe siècle, comprendre le monde de demain

Comment se répartira la richesse du monde d’ici 2050 ? Quelles seront les conséquences probables du conflit de plus en plus ouvert entre les Etats-Unis et la Chine ? Telles sont les questions auxquelles répond Christian Saint-Etienne dans son livre Guerre et paix au XXIe siècle, comprendre le monde de demain. Il en parle dans cette émission de Canal Académie.

dimanche 14 novembre 2010

Gestion des risques futurs : Atlas des futurs du monde

Surpopulation, famine, guerre, pénurie, épuisement des ressources, disparition des espèces…
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Quels risques faut-il se préparer à gérer?
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En 2033, la planète sera-t-elle trop peuplée ? Fera-t-on la guerre à cause de l’eau ? Les Etats-Unis éliront-ils une femme à leur présidence ? Quelles îles auront disparu de la surface de la Terre ? La Chine sera-t-elle la première puissance mondiale ?
2033, l’Atlas des Futurs du Monde cartographie le futur et ses risques.

Ecrit par Virginie Raisson, coauteur des atlas du « Dessous des cartes », l'ouvrage ne prétend pas prédire l’avenir, mais donner à comprendre les mutations en cours pour éclairer le futur d’une manière raisonnée.
Quel enseignement en tirer ? Que l’avenir n’est pas univoque : ce n’est que si nous restons passifs que nous nous réservons le pire des futurs possibles.

Pour en savoir plus :

Un aperçu de l'Atlas des Futurs du Monde ;
Un article du journal Sud Ouest consacré à cet atlas dans son édition d'aujourd'hui
le site du LEPAC (Laboratoire de recherche appliquée, privé et indépendant, spécialisé en politique internationale et prospective) dirigé par Jean-Christophe VICTOR et Virginie RAISSON

dimanche 7 novembre 2010

ARMEES ET MISSIONS INTERIEURES

L’article d’EGEA « Réquisition, pétrole et défense » et un récent débat parlementaire consacré au projet de loi de finance 2011 montrent que l’action des armées dans le cadre des missions intérieures est encore mal connue.
Le livre de
Hacène Belmessous Opération banlieues : Comment l'Etat prépare la guerre urbaine dans les cités françaises n’a d’ailleurs pas vraiment déclenché de débat sur la toile à vocation stratégique.

Dans son billet, EGEA s’interroge sur les notions de sécurité et de crise sur le territoire national. « On le voit, j'ai beaucoup de interrogations, car tout ceci illustre ce qui paraît assez imprécis : le concept de sécurité mérite d'être explicité (d'autant qu'on l'a justifié notamment pour la sécurité intérieure, mais tout le monde pensait alors au terrorisme). De même, la notion de crise (extérieure ou intérieure, d'ailleurs) mérite également d'être approfondie. »

Dans les débats parlementaires, l’interrogation de Michel Vauzelle illustre que l’action des armées sur le territoire national reste méconnue des parlementaires :
« M. Michel Vauzelle : "Je me permets de vous interrompre pour préciser ma question : je n’ignore pas que la police et la gendarmerie sont en charge du maintien de l’ordre à l’intérieur de nos frontières. Mais il figure, dans le programme n°178 du projet de loi de finances pour 2011, programme intitulé « Préparation et Emploi des forces », une action n°7 dédiée au financement des missions intérieures (MISSINT). Y a-t-il une action de l’armée dans le cadre de la lutte anti-terroriste, notamment dans nos banlieues ?"

Réponse de M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis : "L’armée n’intervient sur le territoire national que pour deux types d’actions : d’une part, les opérations de sécurité civile en cas de catastrophes naturelles, comme la pollution des plages par une marée noire, et, d’autre part, le plan Vigipirate." »

Quelques éléments de réponse :

« La stratégie de sécurité nationale, appuyée sur la politique de défense, la politique de sécurité intérieure et de sécurité civile et les autres politiques publiques, trouvera à s’exprimer dans un cadre législatif nouveau. Les orientations qui précèdent appellent une adaptation de l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense, désormais codifiée dans le code de la défense, ainsi que du futur code de la sécurité intérieure.
Ces textes devront en effet prendre en compte l’objectif de sécurité nationale et la définition des différentes politiques qui y concourent – politique de défense, politique de sécurité intérieure et de sécurité civile, politique étrangère et politique économique. Ils devront aussi modifier les définitions de concepts relevant de situations ou de contextes qui ne sont plus d’actualité, en particulier la défense civile et la défense économique. Ces notions, qui organisaient la défense face à une invasion terrestre venue de l’Est, doivent être transformées pour correspondre aux risques et défis de la mondialisation.
Ainsi, la défense civile doit-elle laisser la place aux notions actuelles de sécurité intérieure et de sécurité civile, résultant des lois de 2002 et 2004. Ces notions couvrent la protection des populations et la sauvegarde des installations et des ressources d’intérêt général. "
Quant au contrat fixé aux armées de pouvoir engager 10 000 hommes sur le territoire national, le Livre blanc précise :

"Dans le même esprit, un contrat opérationnel de protection est fixé aux armées sur le territoire national. Il s’ajoute aux missions de soutien général qu’y assurent l’ensemble des armées. Il comporte une capacité de déploiement de forces terrestres pouvant si nécessaire monter jusqu’à 10 000 hommes en quelques jours, permettant de contribuer, au bénéfice de l’autorité civile, en priorité à la sécurité des points d’importance vitale, à celle des flux terrestres essentiels pour la vie du pays, ainsi qu’au contrôle de l’accès au territoire. "
POUR EN SAVOIR PLUS :

Les missions intérieures sur le site du Ministère de la Défense
Le billet « 10 000 militaires déployés sur le sol national en cas de crise » sur le site du Salon beige
La protection du territoire national par l'armée de Terre. Fondements, limites et perspectives, IFRI, Focus stratégique n°18, November 2009 (étude de Marie-Dominique CHARLIER qui analyse le recours à l'armée de Terre en vue d'assurer la protection du territoire national)
En attendant que ce débat s'invite sur d'autres sites consacrés à la stratégie !

mercredi 3 novembre 2010

FDNY Lt. says fire service needs culture of extinguishment not safety

FDNY Lt. says fire service needs culture of 'extinguishment not safety'

In a hard-hitting address, Lt. McCormack criticized today's leadership, and said too much emphasis is being placed on firefighter safety.
Lt. McCormack said firefighters are being taught to place their safety above all else, and said the lives of civilians could be put at risk because of it.

Lorsque la culture de précaution (au sens galvaudé de ce terme) gagne même les professions, qui consistent, par nature à prendre des risques.

Notre rapport au risque a donc bien subi une véritable évolution sociétale. Nous n'acceptons plus les risques et il y a bien, comme le dit Ulrich Beck, l'émergence d'une véritable "société du risque".

Heureusement qu'il reste quelques sentinelles, qui, telles le lieutenant McCormack refusent cette évolution !